Des maisons riches en rêveries
Nous restons toujours habités par des multitudes de sentiments profondément ancrés dans nos âmes et de charmants souvenirs de toutes les maisons où nous avons vécu autrefois. Là-bas, nous avons vu s’épanouir les débuts de nos rêves, nos petites joies quotidiennes et la découverte ainsi que la connaissance de soi. Ces maisons vers lesquelles nous retournons dans nos rêves sont notre véritable foyer de la mémoire. Tant de nos souvenirs sont préservés grâce à cette maison d’enfance où ils s’étaient enracinés ainsi que dans les lointains fonds de nos âmes. Ces demeures étaient notre premier monde humain, riche en rêverie qui ne se donne pas facilement à la description. Ce sont des lieux dans lesquels les êtres humains ont vécu non seulement objectivement, mais avec tous les préjugés d’imagination. Et il se peut que nous puissions tout dire sur le présent, mais qu’en est-il du passé ?
Ces souvenirs restent un solide réseau de notre conscience, malgré leur éventuelle absence dans la réalité. Que nous sommes restés chez nous pendant le long des mois derniers de la période de la pandémie de « Covid-19 » n’est peut-être pas de notre choix, mais il n’est pas non plus une contrainte ou un isolement du monde, car la maison est considérée comme un abri de tout danger potentiel. La maison, comme l’a décrite Gaston Bachelard, dans son livre «La poétique de l’espace», est notre propre coin dans le monde. Il est, comme on le dit toujours et à maintes reprises, notre premier univers. Un véritable univers au plein sens du mot. Selon Bachelard, l’importance de la maison d’enfance réside dans sa capacité de «protéger les rêveries et de permettre à une personne de rêver paisiblement».
Maison d’enfance
De là, la maison occupait une place importante, où les souvenirs d’enfance s’entrelacent avec l’imagination pour s’identifier à cet endroit qui nous habite au lieu d’y habiter. Là-bas, nous avons commencé à découvrir ce qui nous entoure pour constituer nos propres concepts. Le célèbre psychologue Sigmund Freud, fondateur de la théorie psychanalytique, confirme que le lieu de l’enfance est le cadre naturel des histoires qui apparaissent dans les rêves d’une personne, quel que soit son âge. Il souligne l’importance des cinq premières années dans la vie d’une personne, qu’il considérait comme la base pour former l’essence et la quintessence de la personnalité d’un individu, quel que soit le nombre d’expériences et de connaissances qu’il accumule dans la vie. La raison en est que la relation avec le lieu met une formule de l’expérience dans le cerveau humain. Et cette relation devient la première formule si elle dispose des facteurs de stabilité et de conscience qui sont les plus solides. Il est donc naturel que la nostalgie de l’être humain pour sa première maison soit souvent prédominante par apport à n’importe quelle autre maison, comme le poète Abou Tamam l’a exprimé dans son célèbre ver : «Nombreuses sont les maisons que le garçon apprécie sur cette terre// Néanmoins son désir demeure toujours pour sa première maison».
Maison des souvenirs
Bachelard souligne dans son livre «La poétique de l’espace» que lorsque nous habitons une nouvelle maison, les souvenirs des autres demeures dans lesquelles nous avions vécu auparavant nous reviennent successivement. Là où nous nous déplaçons, les souvenirs d’enfance nous accompagnent. La maison qui a témoigné de notre naissance est concrètement gravée à l’intérieur de nous, donc nous ne trébucherons pas violemment, et nous pousserons avec le même mouvement la porte qui grincera comme dans notre enfance quand nous nous y déplaçons. Nous pourrons trouver notre chemin malgré l’obscurité dans le lointain grenier et nous pourrons ouvrir le placard en constatant qu’il préserve encore un parfum unique qui nous submerge. Nous essaierons de reconquérir la lumière et les odeurs dans les pièces vides comme si nous cherchons une empreinte, un sceau éthéré dans chacune des chambres de la maison de notre mémoire.
C’est là que nous avons tout appris pour la première fois. La maison où nous sommes nés est beaucoup plus qu’une simple incarnation d’un gîte mais plutôt une incarnation de rêves et des voix bien-aimées qui sont maintenant éteintes et silencieuses. Nous pouvons dire que chacun de nous a une maison de mémoire qui ressemble à un rêve égaré dans l’ombre de notre passé, et nous pouvons être surpris quand nous revenons à la vieille maison, après une longue errance pendant de longues années. Les plus petits gestes et détails reprennent vie et toutes les images, simples et grandes, révèlent une bonne partie de notre état psychologique.
On a étudié des dessins d’enfants dont le thème est la maison. Ces dessins ont été utilisés comme des méthodes de test qui nous permet de comprendre la manière dont les enfants pensent et leurs types de sentiments. Quand un enfant dessine une maison, on peut observer des détails intéressants et en déduire ses sentiments, et cela peut révéler des problèmes psychologiques dont souffre le petit. Le nombre des fenêtres peut refléter l’invitation des autres à savoir ce qui se passe à l’intérieur. Laisser la porte ouverte indique son accueil aux autres et en parallèle une vie saine de l’enfant.
Anne Balif dit : « Lorsque vous demandez à l’enfant de dessiner sa maison, vous lui demandez de vous révéler le rêve le plus profond de l’abri où il voit son bonheur. Si l’enfant est heureux, il dessinera une maison confortable dans laquelle il y a protection et sécurité. Une maison construite sur des fondations profondément enracinées. » Et quand l’enfant est misérable, la maison subit les effets de cette misère.
La maison de l’enfance occupe une place précieuse au fond de nous, une aura de bonheur qui peut nous contenir, et le contraire peut aussi être vrai, car il y a des endroits que nous aimons, mais nous en sommes dégoutés lorsqu’ils nous réunissent avec des personnes que nous n’aimons pas, ou lorsque nous y vivons des événements qui nous font souffrir. Des images de souvenirs nous obligent à nous rappeler notre passé lointain car les maisons que nous avons perdues, restent intactes à l’intérieur de nous, et elles nous incitent à les protéger et à les graver dans notre mémoire. Elles reviennent à la vie comme si elles s’attendaient à ce que nous leur donnons ce qui peut combler leur manque de la vie. À chaque fois qu’il pleut, les souvenirs de notre ancienne demeure me reviennent ou plutôt m’envahissent avec ses détails, ses couloirs et son jardin. Et la pluie reste toujours liée au parfum de fleur de citron dans ma mémoire. Quand j’étais enfant, dès qu’il commençait à pleuvoir, je mettais ma robe rouge de pluie et je courais pour descendre les trois marches de l’escalier de la porte arrière de la maison. Je me dirigeais vers les citronniers et les bigaradiers dans notre jardin. Je reste là-bas contemplent les gouttelettes de pluie coulant sur les feuilles vertes et lumineuses. Je n’ai jamais cessé d’observer la pluie avec une joie enfantine qui me revient à chaque fois qu’il pleuvait.
Supplément El-Ittihad Etthakafi/ l’Union culturelle
Mer 30 sept 21:28